Je suis Florence, 25 ans, maman de Théo, 4 mois et demi, allaité exclusivement.
J’ai la maladie des os de verre et me déplace en fauteuil roulant.
A 5 mois de grossesse, je suis allée voir une sage femme prés de chez moi pour une préparation à la naissance. Lorsqu’elle m’a demandée si je voulais allaiter, j’ai répondu « oui, si je peux ». En effet, cela me semblait naturel. Je ne me suis donc jamais posée la question en ces termes. Bien sûr que je voulais! La question était plutôt de savoir si je pouvais. Je n’avais aucun exemple d’allaitement dans ma famille. Les femmes avaient décidé de donner le biberon.
Marielle, la sage femme m’a alors répondu « mais pourquoi ne pourriez-vous pas? ».Je ne savais pas. A vrai dire, je ne connaissais que quelques rudiments en matière d’allaitement(Le lait maternel est le meilleur lait, c’est naturel, nous sommes faîtes pour ça, c’est la suite logique, c’est pratique…)
En revanche, je ne savais pas comment cela fonctionnait et je me demandais si moi, personne handicapée, je pourrais allaiter.
Quelles étaient mes peurs? Je ne sais pas au juste. Je pense que je doutais des capacités de mon corps…
Marielle m’a tout expliquée sur l’allaitement. J’avais trouvé une sage femme compétente et exceptionnelle. J’étais comblée, et surtout rassurée. A présent, je savais que je pouvais allaiter. Mon fiancé me soutenait.
J’avais confiance en moi.
Je me suis passionnée pour le sujet. J’ai parcouru les forums, les sites, j’ai discuté sur le net avec des mamans. J’ai vite comprit les choses à faire, à ne pas faire. J’ai aussi apprit à ne pas écouter les mauvais conseils, même de la part de certains professionnels de la santé.
Allaiter est devenu un véritable défi. Il était d’autant plus grand que la famille croyait peu en moi. Ou bien est ce l’idée de l’allaitement en lui même qui dérangeait.
A 31 semaines, j’ai fait une menace d’accouchement prématuré. Il me fallait du repos, beaucoup plus de repos. Pour le bien de mon bébé et aussi pour arriver jusqu’aux 37 semaines que je m’étais fixée, je suis restée tranquille.
J’ai tenu 36 semaines. J’avais très peur que mon bébé aille en couveuse. Finalement, il se portait à merveille. Quant à moi, je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie Après de nombreux essais, l’anesthésiste a réussi la rachianesthésie. A cause de mon dos mal fichu, l’aiguille a dévié et l’anesthésie n’a marché que d’un côté. J’ai senti tout le côté droit pendant ma césarienne. Je ne voulais pas tomber dans les pommes. Je voulais être consciente pour découvrir mon fils et pour l’allaiter le plus vite possible.
Lorsque je l’ai vu, c’était magique. J’avais réussi; Il était là, beau comme un ange. Il est parti avec son papa quelques instants pour ses soins pendant que l’obstétricien me recousait. Il me semble que j’ai eu une dose de calmants, certainement de la morphine, car je me sentais moins douloureuse. Néanmoins, je ne voulais pas être trop shootée pour pouvoir allaiter.
En salle de réveil, on me l’a mit au sein. Il n’a pas vraiment tété. J’étais épuisée, lui aussi. J’avais mal.
Nous sommes remontés tous les 3 en chambre, au calme. Je l’ai veillé toute la nuit. Je n’ai pas fermé l’œil pour l’admirer et aussi pour être attentive au moment où il serait prêt à téter.
Cette nuit là, il a fait deux magnifiques tétées. J’étais très heureuse. Les jours suivants ont été plus durs; Il s’endormait au sein. Nous devions sans arrêt le stimuler. Je gardais confiance.
Il perdait du poids de plus en plus. Ensuite, il a stagné. La pression de la famille était énorme. Elle pensait que je ne le nourrissais pas bien, que je n’avais pas assez de lait. J’avais eu ma montée de lait. Mon fils tétait bien, mais s’endormait vite. Je multipliais donc les tétées.
Personne (sauf le papa) ne comprenait pourquoi je m’acharnais. Nos proches voulaient que je passe au biberon. Une auxiliaire de nuit lui en a même donné un alors que je ne voulais pas. J’avais peur qu’elle compromette mon allaitement.
Finalement, mon fils a reprit un peu de poids.
Nous sommes rentrés à la maison. A la maternité, rien n’était pratique pour moi. Chez nous, j’ai voulu le changer, participer au bain…Malheureusement, sans vraiment l’avouer, mon fiancé n’arrivait pas à me faire totalement confiance. Il prenait tout en main. Je n’arrivais pas à trouver ma place avec mon fils.
L’allaitement m’a aidé à créer un lien avec mon fils car personne ne pouvait me remplacer. C’était notre moment privilégié et unique. J’étais fière de le nourrir, fière de voir qu’il grandissait et grossissait grâce à moi. L’allaitement nous a unis.
Mon fiancé a reprit le travail et j’ai enfin pu être la mère de mon fils. Il s’est rendu à l’évidence que je me débrouillais bien et il a apprit à me faire confiance.
L’allaitement fonctionnait à merveille. Je me disais que j’allais tenir 6 semaines avant de recourir à l’allaitement mixte. En effet, j’étais fatiguée et j’avais lu qu’il fallait attendre au moins ce laps de temps avant de faire du mixte. Finalement, plus le temps passait, plus je m’organisais, moins j’étais fatiguée. De fait, c’était bien pratique de l’allaiter. Cela arrangeait bien le papa puisqu’il ne se levait jamais (le pauvre fait les 3-8).
Je me suis dis, pourquoi pas l’allaiter jusqu’à 3 mois! J’étais capable de lui donner le meilleur. J’en étais fière.mon corps suivait.
Je me sentais mère à part entière. Je réussissais mon allaitement alors que d’autres sans handicap peinaient. Il faut dire qu’elles étaient moins renseignées que moi sur le sujet!
Mon fils n’était pas malade. Il prenait du poids correctement et rattrapait son retard dû à sa prématurité. Moi, sa maman handicapée, je pouvais le protéger contre bien des maux grâce à l’allaitement.
Nos familles ont commencé à voir que l’allaitement marchait bien. Je sentais qu’elles doutaient moins de moi. Je sens encore qu’elles ne comprennent pas trop pourquoi j’ai fait ce choix mais elles comprennent par ailleurs que c’est important pour moi et qu’en plus, mon bébé est en pleine forme.
Elles pensent que l’allaitement me fatigue et qu’il faudrait que je délègue plus.
Moi, c’est comme ça que je me sens mère, c’est comme ça que mon fils aime être avec sa maman.
Et ça ne me fatigue pas, bien au contraire ! Je n’ai pas les biberons à stériliser, préparer, nettoyer…Je n’ai pas à me lever la nuit. Il dort avec nous car j’ai beaucoup de mal à le mettre dans son lit depuis qu’il n’est plus poids plume. Cette solution nous plaît. La nuit, je le sens bouger et ramper vers moi. Il s’agite, je me réveille, je sens qu’il veut téter. Il ne pleure même pas. Mon fiancé n’est pas gêné par ses pleurs. Tout le monde dort bien. Lorsqu’on se réveille, je ne suis pas fatiguée alors que mon fils a tété 3 fois dans la nuit.
La journée, j’enroule un coussin d’allaitement autour de moi. Je cale les extrémités derrière mon dos, contre le dossier de mon fauteuil. J’installe mon fils dessus. Il est à la bonne hauteur pour téter.
Lorsqu’on veut se balader, c’est bien pratique aussi. Il y a moins de choses à prendre. En effet, mon fiancé doit déjà porter la poussette et mon fauteuil. Je peux le faire téter quand il a envie, quelque soit l’heure et où que l’on se trouve.
Les gens nous regardent avec un regard surprit et bienveillant me semble t-il. J’espère que les gens comprennent que je suis une maman pas comme les autres (et c’est tant mieux) mais que je m’occupe de mon fils au même titre.
Je me sens indispensable pour lui. C’est normal me direz-vous. Dans mon cas, j’ai tout de même dû faire ma place en tant que maman. J’ai obligé les autres à rester à la leur. J’accepte de l’aide avec plaisir, mais c’est moi sa maman avant tout.
Je crois que tout cela a été possible grâce à l’allaitement.
Outre le côté pratique, naturel, bon pour la santé du bébé et la mienne, c’est aussi une continuité, un lien qui se crée, une interaction entre lui et moi.
Autrement dit, c’est tout simplement le fait de devenir mère.
Aujourd’hui, Théo a 4 mois et demi. Il est toujours allaité. Je ne songe même plus à arrêter. Je continue tant que cela nous plaît à tous les deux. On me demande à présent quand est ce que je vais arrêter. On a beau dire que l’allaitement est le meilleur lait pour les bébés, on me mène la vie dure. C’est bien dommage, car c’est un moment magique dans la vie d’une femme.
Je reste toujours ébahie de voir ce que mon corps arrive à faire. C’est naturel, et même surnaturel. C’est magique. C’est beau, c’est magnifique.
C’est LA VIE.
Je suis MAMAN…
Florence, le 17 avril 2008
Source:
N° 75 de la revue « Allaiter aujourd’hui » Allaiter avec un handicap, propos recueillis par Claude Didierjean-Jouveau
A découvrir : Pour lire les témoignages d’autres mamans allaitantes en situation de handicap, vous pouvez retrouver ce numéro ici
http://www.lllfrance.org/Boutique/Revues/Allaiter-Aujourd-hui.html